Les vendanges 2014 vues par le vigneron…
Il m’est quelques fois arrivé de pester contre ces ancêtres vignerons qui nous avaient légué nos cépages du Saumurois: le Cabernet franc et le Chenin blanc. Deux cépages tardifs pour nous qui sommes en bords de Loire, quelle drôle d’idée !
Mais 2014 vient, encore une fois, de leur donner raison. C’est septembre qui fait le vin !
Souvenez-vous de 1997 : un été pourri suivi d’un septembre de feu = grand millésime en Val de Loire.
Et ce fut souvent le cas : 85, 87, 95, 97, 2002… Merci septembre ! Août 2014 fut calamiteux, septembre magnifique et 2014 est un GRAND millésime. Car, souvenons-nous, la vigne avait débourré tôt, l’année s’annonçait très précoce. Juillet et Août nous ont fait perdre une partie de cette avance mais les ceps gardent toujours en mémoire leur début de cycle.
Les vendanges ont commencé pour nous le 1er octobre dans les Chenins. Cette année dans les blancs, pas de tri : tout était magnifique, le botrytis quasi inexistant, la maturité des peaux était là, la richesse en sucre autour de 13,5 degrés potentiels, pour moi l’optimum pour un grand sec. Nous avons d’ailleurs inauguré un nouveau mode de vendanges à cette occasion: « un petit train » de remorques basses sur lesquelles nous remplissions des caisses de 15 kilos. Gros gain de temps et respect total de la grappe (pas d’écrasement donc aucune oxydation des jus avant la pressée). Les deux cuvées, Foudre et Argile, finissent actuellement leurs sucres…
Après deux jours dans les blancs, nous avons « attaqué » les Cabernets francs le 3 octobre. Les peaux étaient gorgées de fruit, les degrés autour de 13 – 13,5. Assez curieusement toutes les parcelles semblaient plus ou moins au même stade, des secteurs précoces aux plus tardifs. Nous avons donc décidé de tout rentrer assez rapidement : le 8 au soir la récolte était dans la cave !
Quel plaisir de travailler un millésime comme celui-ci : la couleur qui vient tout de suite, le fruit qui explose en bouche, les tanins déjà bien ronds, l’acidité juste parfaite… Rien à « aller chercher », juste accompagner…
Aujourd’hui 14 novembre, les cuves sont « sèches » (tout le sucre a été transformé) et la fermentation malo-lactique avance doucement. Les différentes cuvées : Tuffe, Fours à chaux, Fevettes et Lisagathe, sont séparées. Une longue période d’élevage se profile… La cave est redevenue silencieuse après un mois et demi de bruit et d’agitation, de paroles hautes et de gestes précis. J’ai toujours adoré ce moment. Surtout, bien sûr, dans ces grands millésimes où l’on se surprend à flatter de la main une cuve ici, un foudre là, comme l’on flatterait l’encolure d’un poulain plein de promesses…
Philippe Vatan